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AUJOURD'HUI, LES FRANC-MACONS

Entre Eglise et franc maçonnerie, le dialogue s'enrichit... Droits de l'homme, tiers monde, immigration: I'une et l'autre avancent aujourd'hui sur le même chemin de sagesse et de tolérance. Certes, de nombreux malentendus demeurent, spirituels philosiphiques et his- toriques. En bons artisans, maçons et chrétiens s'emploient à les lever: à preuve, la rencontre entre Mgr Thomas évêque de Versailles, et Michel Barat, Grand Maître de la Grande Loge de France, qui se déroule le 10 novembre, à l'initiative de La Vie et de L'ARM.


A près deux siècles de conflits et de condamnations, va-t-on vers une réconciliation de l'Eglise avec la franc-maçonnerie ? Pour la première fois en France, à l'initiative de La Vie et de L'Actualité religieuse dans le monde, un évêque et un franc-maçon s'assoient à la même table pour une rencontre publique. Le 10 novembre prochain, Mgr Jean-Charles Thomas, évêque de Versailles, et Michel Barat, Grand Maître de la Grande Loge de France, se retrouveront au Centre Sèvres, à Paris, pour engager un dialogue autrefois impossible. Ce n'est certes pas la première fois qu'un homme d'Eglise rencontre un franc-maçon. Mais jamais à un tel niveau de responsabilité et de manière publique.
Il y a six ans, un colloque organisé à Toulouse par le Service incroyance foi et l'Institut d'études et de recherches maçonniques avait réuni des universitaires et des théologiens sur le thème Eglise-Maçonnerie: condamnations ou malentendus ? Ces derniers mois, des rencontres du même genre se sont tenues dans différentes villes de province. A chaque fois, elles ont fait salle comble. Preuve, s'il en était besoin, que le sujet passionne nos contemporains, dont bon nombre de croyants, et que le dialogue n'est plus tabou. Un verrou a sauté en 1971, lors d'une visite, qui avait fait grand bruit, de Mgr Pézeril, alors évêque auxiliaire de Paris, à la Grande Loge de France. Dix ans plus tôt, le père Riquet, jésuite, avait fait scandale en prononçant une conférence dans une loge du Grand Orient à Laval. Plus récemment, les obsèques religieuses, célébrées en grande pompe, de deux anciens grands maîtres, Richard Dupuy et Michel Baroin, ont interrogé l'opinion publique.
Sur le terrain, ces dernières années, les contacts se sont multipliés, donnant lieu à des initiatives communes. Ainsi, en novembre 1985, catholiques et francs-maçons ont signé, avec d'autres, un " appel commun à la fraternité " contre l'intolérance et le racisme, et pour la défense des droits de l'homme. En mai 1988, le père Guiberteau, au nom de l'Eglise catholique, s'est joint aux côtés du pasteur Stewart, de la Fédération protestante, et de Roger Leray, ancien grand maître du Grand Orient, à la mission chargée par le gouvernement Rocard de rétablir le dialogue en Nouvelle-Calédonie. Entre-temps, en octobre 1986, une délégation de la franc-maçonnerie mondiale s'était rendue à Assise, pour assister à la première Conférence mondiale des religions pour la paix. Des rencontres régulières ont lieu depuis plusieurs années entre des maçons de différentes obédiences et des chrétiens. L'abbaye bénédictine du Bec-Hellouin, en Normandie, a même accueilli une loge le temps d'une retraite.
Et puis, il y a ces catholiques membres de la franc-maçonnerie. Parmi eux, des prêtres. Le père L. habite le sud de la France. Comme la plupart de ceux qui sont dans sa situation, il a préféré garder l'anonymat. Pour lui, il n'est pas question d'une double appartenance, comme on l'affirme souvent. Membre de la Grande Loge nationale française, il estime que celle-ci n'est pas " une Eglise de substitution ", mais plutôt " un tiers ordre ", dans lequel il trouve un moyen de prolonger son engagement de prêtre. "La réflexion biblique et la prière occupent une large place, explique-t-il. D'ailleurs, mon évêque est tout à fait au courant de mon activité. Il m'arrive même d'envoyer des comptes rendus au Vatican. " Reconnu par sa hiérarchie, le père L. souffre de ne pouvoir révéler sa situation aux catholiques de son diocèse: ..Les mentalités ne sont pas prêtes. "
Il semble révolu le temps des anathèmes qui n'avaient cessé d'être lancés par Rome depuis la première condamnation papale en 1738. Le nouveau Droit canon de 1983 (la Constitution de l'Eglise) a supprimé les articles visant les francs-maçons et, en particulier, le canon 2235 excommuniant ipso facto toute personne appartenant à une loge maçonnique " qui agit contre l'Eglise". Le droit actuel se contente de réprouver " ceux qui s 'inscrivent à une association qui conspire contre l'Eglise". Pourtant, une déclaration de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi, publiée peu de temps après, en novembre 1983, est venue réaffirmer l'incompatibilité entre l'appartenance à I'Eglise et à la franc-maçonnerie. L'auteur de cette mise en garde, le cardinal Ratzinger, considère que " les catholiques qui font partie de la franc-maçonnerie sont en état de péché grave et ne peuvent s'approcher de la Sainte Communion". Ce texte, dans lequel il n'est d'ailleurs pas question d'excommunication, n'a évidemment pas la même portée qu'un article de droit, mais il contredit bel et bien l'évolution amorcée depuis une trentaine d'années.
D'où vient la méfiance ? Dans la première condamnation pontificale, celle de Clément XII, en 1738, la franc-maçonnerie est condamnée en raison du secret dont elle s'entoure. Aucune hérésie ne lui est explicitement reprochée. Néanmoins, le seul fait que des hommes de diverses religions cohabitent en loges crée, à l'époque, une présomption d'hérésie suffisante pour les excommunier. En France, la Révolution, dans laquelle les loges sont très actives, puis la rupture entre révolutionnaires et Eglise - bientôt caractérisée par la division du clergé entre prêtres jureurs et prêtres réfractaires - aggravent le contentieux. Les condamnations qui se succèdent au XIXe siècle invoquent des motifs que le pape Léon XIII rassemble en 1884 dans Humanus genus. La franc-maçonnerie est rejetée parce qu'elle se fonde sur le " libre examen " et qu'elle vise à la "sécularisation totale de la société". L'encyclique proclame notamment: "La religion catholique, étant la seule véritable, ne peut, sans subir la dernière des injures et des injustices, tolérer que les autres religions lui soient égalées. >> Ces déclarations pontificales ont contribué à vider, lentement mais sûrement, les loges de leurs éléments chrétiens. L'intransigeance romaine a ainsi encouragé les réactions anticléricales et antireligieuses de certaines loges en France. Et si, aujourd'hui, Jean-Paul II n'inspire aucune confiance à beaucoup de francs-maçons, Jean XXIII reste, à leurs yeux, le champion toutes catégories de l'esprit de tolérance qu'ils entendent incarner.
Le poids de l'Histoire, les incompréhensions et les prises de position mutuelles sans véritables rencontres d'explications, le fait d'englober, à tort, toutes les maçonneries dans l'idée d'une seule et unique organisation, sont autant de raisons qui permettent de mieux comprendre les difficultés et les lenteurs d'aujourd'hui dans la progression du dialogue. Chrétienne à ses origines, œcuménique même, ce qui à l'époque représentait un péché pour l'Eglise, la franc-maçonnerie a connu un glissement vers le déisme, avant de faire sienne les opinions religieuses et philosophiques les plus diverses. Dans ce microcosme ont convergé tous les courants de pensée de l'époque moderne, non sans quelques heurts, parfois: les différentes attitudes des maçons français lors de la Révolution de 1789 ou de l'avènement de la IIIe République sont exemplaires à cet égard. A quoi il faut ajouter l'épisode douloureux de Vichy, durant lequel les francs-maçons furent franchement persécutés. Une période terrible qui n'a pas contribué à rétablir des liens entre franc-maçonnerie et Eglise.
Et aujourd'hui ? Sur certains dossiers, elles sont proches - racisme, chômage, etc. -, sur d'autres, elles sont éloignées. La maçonnerie dite "libérale" occupe, en France, la majeure partie du terrain. Le Grand Orient de France en constitue le pôle historique. Séparé depuis 1877 de la maçonnerie anglo-saxonne, il s'intéresse aux problèmes économiques, législatifs et culturels. Dans le domaine des mœurs, il s'est souvent opposé à la morale catholique, hier pour le divorce, la contraception ou l'avortement, aujourd'hui pour la légalisation de l'euthanasie. Son humanisme, sans être nécessairement athée, est plutôt agnostique. Très marqué par le rationalisme et le combat laïc, il a gardé un vieux fond d'anticléricalisme. " Comme chez les catholiques, nous avons dix pour cent d'intégristes ", admet l'un de ses membres.

GRAND ARCHITECTE DE L'UNIVERS OU DIEU RÉVÉLÉ?

La Grande Loge de France, elle, a une position intermédiaire. Spiritualiste avant d'être humaniste, elle est favorable à une laïcité plus ouverte et manifeste un intérêt pour le fait religieux. Elle a d'ailleurs conservé la référence au Grand Architecte, sans pour autant l'identifier au Dieu révélé. Bien que ces obédiences soient tentées de s'exclure les unes les autres, toutes se réclament de la tradition maçonnique et tentent de nouer des liens entre elles... Ce qui est loin d'être évident. Surtout en ce qui concerne la Grande Loge nationale française (GLNF). Marginalisée au sein de la maçonnerie française, sa hantise est de se voir confondre avec les obédiences qu'elle qualifie d"'irrégulières" dans la reprise du dialogue avec l'Eglise. C'est ainsi que le père Michel Riquet, proche de la GLNF, n'a cessé de se battre, notamment dans ses chroniques au Figaro, pour faire reconnaître la spécificité de cette loge et éviter ainsi qu'elle ne soit condamnée par l'Eglise.
Une démarche jugée malheureuse par beaucoup de francs-maçons qui n'approuvent pas la discrimination entre bons et mauvais frères. C'est aussi l'avis du père Jean-François Six, ancien responsable du Service incroyance foi (Sif), et proche du Grand Orient. "La franc-maçonnerie est un chemin de sagesse, dit-il. Chaque obédience est porteuse de valeurs. La tolérance, le libre examen ou la liberté de conscience n'ont rien de condamnable. " Prêtre de la Mission de France, il sait aussi l'importance du dialogue avec les milieux incroyants marqués par une culture scientifique et agnostique. Et même s'il a l'impression de ne pas toujours être soutenu par l'Eglise, pas question pour lui d'abandonner la partie. "Les catholiques auraient-ils peur de perdre leur âme ? Les agnostiques ont pourtant beaucoup à nous apprendre sur la place du dogme ou sur l'importance de la recherche spirituelle. "
"Il faut tout de même distinguer les différentes obédiences et sortir du brouillard dans lequel nous sommes", répond le pasteur Michel Viot, membre de la Grande Loge nationale française. C'est pour lui une question d'honnêteté intellectuelle. "Il ne s'agit pas d'effectuer une quelconque discrimination, mais de permettre à chaque chrétien de choisir sa loge en connaissance de cause. " Plus mesuré que certains de ses frères qui n'hésitent pas à dénoncer le " sectarisme " du Grand Orient ou le " syncrétisme " de la Grande Loge de France, Michel Viot regrette simplement que les autres obédiences aient abandonné la règle maçonnique qui fait obligation de croire en un Dieu révélé.
Aujourd'hui, le scientisme rationaliste a fait long feu. De son côté, I'Eglise s'est adaptée au monde moderne et a intégré, en France tout au moins, le principe de laïcité. Francs-maçons et chrétiens se retrouvent sur le terrain pour défendre le tiers monde, les droits de l'homme et pour combattre le racisme. Jusqu'en 1983, la question de l'excommunication servait souvent de prétexte aux uns et aux autres pour éluder des possibilités réelles de collaboration, tout autant que de confrontations allant au plus profond. Les conditions d'un nouveau dialogue sont maintenant réunies. " Cette nouvelle situation nous impose à tous de reprendre ce dossier dans un autre état d'esprit, sans préjuger des évolutions qui en découleront", affirme Mgr Thomas. La rencontre du Centre Sèvres constitue une étape supplémentaire dans cette ouverture. L.G.





MICHEL BARAT

Un Grand Maître en jeans

C'était peu après 1968. Un étudiant en quête de sens et de raison de vivre, au milieu de la société de consommation triomphante, découvrait la franc-maçonnerie. En blue-jean, face aux frères en smoking, raconte-t-il, il découvrit une " exigence morale ". Le jeune homme en question est aujourd'hui, à quarante-quatre ans, Grand Maître de la seconde obédience maçonnique, la Grande Loge de France, I'un des plus jeunes grands maîtres de l'histoire de la maçonnerie. Et c'est vrai que ce bon vivant au visage rond sous des boucles rebelles, ce poète qui ponctue ses phrases en faisant claquer ses bretelles, ce prof de philo auteur d'une épaisse thèse sur les gnostiques, dégage une fraîcheur vivifiante. Depuis deux ans qu'il est Grand Maître, Michel Barat s'est promis de faire sortir la franc-maçonnerie de sa ..frilosité", de l'engager dans le débat public, et de faire entendre sa voix au côté des autres forces spirituelles du pays. En octobre 1991, il était l'un des principaux instigateurs de l'appel contre le rejet de l'étranger, signé, entre autres, par Mgr Decourtray, le pasteur Stewart et le rabbin Sirat.
Aussi ne décolère-t-il pas de voir la franc-maçonnerie utilisée comme thème racoleur par les news-magazines pendant les mois d'été, ou par les animateurs du petit écran en quête d'Audimat. Il y a un mois, il refusait de se rendre sur le plateau du Droit de savoir, de Patrick Poivre d'Arvor, sur TFl, pas du tout d'accord avec la diffusion d'images de pseudo-rites maçonniques et par refus d'entretenir le mythe de la "combine politique des frères": "La combine, elle est ailleurs, et d'abord dans les chaînes de télévision ! ", retourne-t-il à I'envoyeur.
Dans La conversion du regard (1), c'est de tout autre chose que Michel Barat parle: de l'initiation, du " double pari sur le sens, sur la transcendance, et sur la liberté de pensée " que fait tout franc-maçon. Un pari qui le rapproche souvent du croyant, et qui " est celui de l'espérance".
Mais si le croyant donne un nom, celui de Dieu, et pour les chrétiens, celui de Jésus-Christ, à cette transcendance, le franc-maçon, dit Michel Barat, veut " maintenir toujours ouverte la question du sens, et toujours se situer dans, la tension et l'effort du questionnement jamais satisfait". Sans jamais, dans cette quête spirituelle, abandonner la boussole de la raison, mai en refusant " la division de l'homme en être de raison et être de sentiment ".
Le fameux secret ? Non, la franc-maçonnerie ne fait pas de messes noires, précise sans rire Michel Barat, pas près de pardonner à un évêque d'outre-mer qui affirmait que les franc-maçons " volent des hosties dans les églises " Si l'on peut trouver toute la littérature qu'on veut sur les rites initiatiques - le meilleur et le pire -, il y a bien " une sorte de sentiment de pudeur " qui fait que la maçonnerie est discrète, spécialement en France où la persécution par le régime de Vichy n'est pas oubliée.
Mais le vrai secret, ajoute Michel Barat, c'est " ce que chacun a vécu et vit comme un chemin spirituel", cet incommunicable, "I'essence même de l'expérience vécue ".
Et le Grand Maître prend soin de le souligner: la franc-maçonnerie n'est pas une école de psychanalyse et encore moins une Eglise de substitution: " L'initiation, contrairement au sacrement, ne confère rien aux participants, elle est une mise en chemin sur la voie de la pensée et de la lumière qui ne peut indiquer la route qu'à l'homme "libre et de bonnes mœurs". "
Michel Barat voit rouge lorsqu'on suspecte les "philosophes de la Lumière " d'être " les ancêtres intellectuels du nazisme ". Le 5 décembre, lors d'un colloque sur les Lumières, organisé à Paris par L'Actualité religieuse dans le monde, il se prononcera justement en tant qu'héritier de ces Lumières, qu'il est capable de défendre avec fougue, s'il le faut. Vous avez dit frilosité ? N.B.



MARTINE, APPRENTIE DANS UNE LOGE MIXTE

" Comme ma première communion "

Elle aura bientôt cinquante ans. Elle travaille auprès de jeunes enfants. Elle est protestante. Depuis plusieurs années, elle appartient à une loge mixte reconnue par le Grand Orient. Sur son identité, vous n'en saurez pas davantage: Martine (appelons-la Martine) ne souhaite pas qu'un lecteur puisse la reconnaître. " Ça pourrait me nuire, explique-t-elle, les maçons sont traditionnellement des boucs émissaires. " Ses yeux clairs pétillent d'enthousiasme, et ses petites mains fines s'agitent devant son visage. Elle raconte.
" Quand mes enfants sont devenus indépendants, j'ai eu beaucoup plus de temps à moi. J'ai pu reprendre une quête personnelle entamée dès l'enfance: la recherche d'un groupe, d'un mouvement, où l'on travaille ensemble pour plus d'humanité. J'ai toujours eu la fibre sociale. C'est sans doute le résultat de mon éducation protestante, I'écho du "Aimez-vous les uns les autres ". J'ai d'abord cherché du côté de l'Eglise. J'allais davantage au culte et je participais à des rencontres autour de la Bible. Mais tout cela était trop abstrait. Alors j'ai fait un tour du côté de la politique: j'ai milité au parti socialiste, dans une cellule de base. Mais on en restait à des élucubrations très cérébrales sur les problèmes de société. Et il régnait là une ambiance de rivalités, de carriérisme qui me navrait.
"Alors j'ai pensé à la franc-maçonnerie. Je n'en savais pas grand-chose, sinon que les maçons se caractérisent par... disons une foi solide en l'être humain. J'espérais trouver en eux des gens préoccupés par autre chose que leurs ambitions personnelles et leur profit immédiat. J'ai pris ma plus belle plume, et j'ai écrit au Grand Orient. ns m'ont répondu que le GO n'acceptait que les hommes, et m'ont fourni un petit fascicule qui me présentait toutes les obédiences féminines et mixtes en France. J'ai opté pour une loge mixte: si on veut travailler pour le bien de l'humanité, il faut commencer par ne pas en exclure la moitié ! Le processus normal pour intégrer une loge s'est alors mis en marche. Je ne vous en dirai pas grand-chose, secret maçonnique oblige. Tout juste que la première étape est un entretien avec un membre de la loge. J'étais assez inquiète.J'avais peur de ne pas être assez brillante, assez intellectuelle pour qu'ils m'acceptent. Mais l'homme qui m'a donné rendez-vous était simple et chaleureux. Pendant plus de deux heures, il s'est attaché à vérifier mes motivations et mes attentes, pour éviter tout malentendu, et toute déception. Il m'a expliqué qu'une loge n'était ni un club de rencontres, ni un groupement politique, ni une université. J'ai apprécié son honnêteté. Et j'ai décidé de poursuivre le processus. La cérémonie d'initiation me laisse le souvenir d'un moment grave et beau, comme ma première communion, ou encore mon mariage. C'était il y a près de cinq ans.
"Je ne suis pas sûre, aujourd'hui, de vouloir poursuivre. J'adhère toujours à I'idéal des maçons, mais je m'étais fait d'eux une trop haute idée pour ne pas être déçue. Nous nous appelons "frères", mais à l'intérieur de la loge on trouve les mêmes rivalités, les mêmes difficultés de communication que n'importe où ailleurs. Il y a des altruistes et des ingrats, des individus généreux par moments et mesquins à d'autres... Comme tout le monde. Je pensais que la maçonnerie était un outil suffisamment puissant pour transformer profondément le
cœur de ses membres. Je me trompais. "
Et si la franc-maçonnerie n'était qu'une assemblée comme les autres, avec ses qualités. . . et ses défauts.M.D. 




FRANC-MACONNERIE, HISTOIRE ET COURANTS

Mon premier est ouvrier, mon second, commerçant. Mon troisième est ministre, sénateur ou député. Leur point commun ? Ils sont francs-maçons, partagent le même idéal et sont initiés aux mêmes secrets. Depuis le XVIIIe siècle, où elle a pris racine en France, la franc-maçonnerie fascine, intrigue, agace. A cultiver le goût du secret, elle a laissé le champ libre à tous les fantasmes: force occulte qui tire les ficelles du pouvoir ou complots maléfiques... D'autant que, chez les maçons, les rumeurs ne sont jamais démenties. Une règle parmi d'autres.
A l'origine, les confréries des bâtisseurs de cathédrale qui, au Moyen Age, protègent jalousement l'art d'élever des temples à la gloire de Dieu. En 1723, le pasteur presbytérien James Anderson applique dans le Livre des Constitutions ces méthodes de construction à l'homme lui-même: le maçon devient pierre vivante qu'il façonne et modèle à l'aide d'outils. Lorsqu'il aura suffisamment travaillé sur lui-même, il pourra s'intégrer à l'édification du " Temple idéal de l'humanité, à jamais inachevé ", et contribuer à une société meilleure. D'où, le foisonnement des symboles empruntés aux bâtisseurs - équerre, compas, truelle, maillet, ciseau, règle, niveau - et qui renvoient à des valeurs morales.
Voltaire, Mozart, Sade, Jules Ferry,Churchill, Mendès France, John Wayne, Salvador Allende, Yvette Roudy ou Roland Dumas: la liste est longue des initiés célèbres. Les francs-maçons sont aujourd'hui entre sept et dix millions dans le monde, 70 000 en France, répartis dans une dizaine d'obédiences, fédérations de loges qui acceptent la même autorité.
• Le Grand Orient de France est la loge la plus ancienne (depuis 1773) et la plus importante avec 30 000 initiés. Interdit aux femmes, il a supprimé en 1877 toute référence à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme.
• La Grande Loge de France, née en 1894 d'une scission avec le Grand Orient, compte près de 20 000 initiés, et se réfère au " Grand Architecte de l'Univers ". Elle est exclusivement masculine.
• La Grande Loge nationale française, fondée en 1913, revendique " I'absolue croyance en Dieu et en sa volonté révélée>>. Seule obédience "régulière", reconnue au niveau international, elle est interdite aux femmes et compte près de 15 000 initiés.
• Le Droit humain, née en 1894 d'une scission du Grand Orient, est mixte et compte 10000 membres.
• La Grande Loge féminine, fondée en 1952 et proche du Grand Orient, regroupe plus de 8 000 sœurs.C.L.




COMMENT DEVIENT-ON FRANC-MACON

Les loges recrutent le plus souvent par cooptation et soumettent les candidats à un véritable examen de passage. Chaque loge se réunit tous les quinze jours ou tous les mois. Elle se veut la représentation d'un monde idéal, sous la voûte symbolique du Temple, semée d'étoiles. La séance, ou tenue, est minutieusement orchestrée: apprentis, compagnons et maîtres ont leur place et s'y tiennent. Le Vénérable préside à l'Orient, assisté de ses officiers: le maître des cérémonies conduit les maçons à leur place, I'orateur veille au respect du règlement, I'expert à celui des rites, le trésorier gère les finances, et le couvreur s'assure que la loge est couverte, à l'abri des regards ou des oreilles indiscrètes.
Les débats sont alors ouverts, et les maçons peuvent à loisir faire et défaire le monde. Avec une discipline très stricte. Pas question d'interrompre un orateur, ni même de soupirer lorsqu'il s'exprime. Quant à l'apprenti, initié depuis moins d'un an, il écoute, mais garde le silence, en signe d'humanité.
Véritables laboratoires d'idées, les loges du Grand Orient ont mené avec Jules Ferry le combat pour l'école publique. Puis, celui des grandes réformes sociales, congés payés ou semaine de quarante heures. Les textes des lois sur la régulation des naissances et sur l'IVG ont été rédigés par des francs-maçons. L'ensemble des loges s'attellent aujourd'hui au chômage, à la faim dans le monde, et à l'immigration. Elles ont déclaré la guerre au racisme, à l'extrême droite et traquent les intégrismes.C.L.

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